Un corpus de chants à compléter, collectés en France au hasard des rencontres, enregistrés avec un procédé ouvert et simple :
3 micros. Une dizaine de minutes d’entretien.

À chaque séance, un homme ou une femme ayant connu l’exil pioche dans ses souvenirs une chanson, en propose une traduction ou un commentaire, puis se présente s’il ou elle le souhaite.

Le chant exilé, s’il est enfant du chant natif, s’en distingue par le déplacement qu’il propose: Cette même mélodie et ces mêmes paroles ont subi les marques d’un arrachement puis d’une itinérance, elles témoignent des épreuves traversées au même titre que les empreintes exercées par l’exil.


Amidou

Au moment où nous réalisons cet enregistrement, Amidou est en résidence à La Fonderie, un abondant espace dédié aux arts vivants conduit par le Théâtre du Radeau dans la ville du Mans. Il monte Les Enfants Tanner de Robert Walser avec une jeune compagnie en création.

Amidou vit à Aubervilliers dans un squat partagé. Il est en France depuis quatre ans et travaille communément comme « syndicaliste », un terme que nous peinons à éclaircir ensemble tant il semble endosser une définition étrange dans la communauté des réfugiés ivoiriens. Je comprends qu’il s’agit d’une pratique de débrouille et qu’il n’est pas nécessaire d’essayer de la décrire ici.

Ces derniers mois, il a fait la connaissance de Marie-José Malis au Théâtre de La Commune en suivant des ateliers et en participant aux répétitions d’un spectacle. Cette rencontre semble l’avoir notablement marquée, il songe depuis à embrasser une carrière d’acteur et cherche tant que possible à s’aventurer au plateau.

Cette chanson l’accompagne depuis son départ, il la fredonne sans arrêt.

Traduction

Présentation


Leïla

Leïla est fière de participer à la vie de La Fonderie depuis 13 ans, sa présence est devenue essentielle pour l’équipe, les artistes et les résidents de passage. Sa voix résonne chaque jour dans les espaces d’habitation du théâtre. En traversant les chambres et les couloirs, elle garde un écouteur à l’oreille et chante en cœur les grands tubes du monde arabe des années soixante dix, Abdel Halim Hafez, Oum Kalsoum, Fairouz…

Elle aime parler, Nous bavardons souvent et beaucoup. Elle revient avec plaisir sur son histoire et celle de sa famille, ses voyages, son départ, les différentes étapes de sa vie en France, ses visites à Alger… Si nous évoquons un souvenir douloureux, il semble qu’elle s’applique aussitôt à le compléter d’une marque d’enthousiasme, d’un optimisme appuyé.

Leïla prépare l’enregistrement avec application. Je n’ai aucun mal à la convaincre de chanter sans l’appui de son téléphone. Elle arrive avec des notes griffonnées sur quelques post-it. Le micro la rend légèrement plus timide et cet émoi ajoute à l’enregistrement une fragilité précieuse.

Traduction

Présentation


Saman

Saman est en France depuis deux ans. Nous nous sommes croisés rapidement dans un atelier d’écriture auquel, lui comme moi, n’avons pu participer que quelques dizaines de minutes. L’intervalle est suffisant pour qu’il me soit donné de l’entendre chanter un poème traditionnel iranien et évoquer certaines idées brillantes.

Nous nous retrouvons deux semaines plus tard, je suis pressé par le temps et me trouve contraint de lui proposer un enregistrement sans réel entretien préalable. Nous nous connaissons à peine mais cet écart ne le gêne pas, il chante tranquillement et sans inquiétude.

Il nous reste une petite heure pour discuter, j’apprends qu’il vit dans un squat en face de la gare du Mans, qu’il a laissé en Iran un emploi de biologiste après de hautes études, je crois comprendre qu’il s’agissait pour lui d’éviter une mobilisation obligatoire dans l’armée, il y a aussi quelque part une déchirure amoureuse.

Nous parlons rapidement de vin et de matériel d’enregistrement. La musique et les langues le passionnent, il apprend le français tout en amorçant des études de médecine.

Traduction

Présentation


B

B est captif de la maison d’arrêt de Varces, à côté de Grenoble. Nous ne nous sommes jamais vu mais Martin, un ami intervenant régulièrement dans l’établissement pénitentiaire, a décidé de réaliser lui-même cet enregistrement à la suite d’une discussion autour du collectage.

Depuis leur rencontre, B parle très peu et demeure réticent à raconter sa vie, mais la proposition qui lui fut faite par Martin -chanter une chanson de son passé- semble avoir inauguré entre-eux certains lieux de confidence.

à la faveur du caractère à la fois éloquent et pudique du chant exilé, B a donc chanté, à la table, devant Martin et quelques détenus. On sentait, semble t’il, croître son émotion à mesure des couplets. Puis, ayant achevé il s’est obscurci, s’est levé rapidement pour s’effacer en direction du mur, et personne n’a parlé pendant quelques secondes.


Hapsita


Si vous connaissez des personnes dont une chanson pourrait figurer ici, n’hésitez pas à me contacter : loup(dot)uberto(at)gmx(dot)fr


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